Presse 

Fortune critique

François Aubral, La voix du regard - 2005

BRISSOLAGE : travail plastique de Jacques Brissot, cinéaste retiré depuis 1968 dans son atelier où il brissole.
BRISSOLER : Passer des journées, des semaines et des années à feuilleter des journaux de toute nature et à y découper des images qui seront classées dans des dossiers thématiques selon une logique délirante. Puis, à partir d’un tableau de maitre, les primitifs flamands, Bosch, Bruegel, Rubens…ou Ingres, refaire le tableau de référence avec pour seul matériau des images extraites des dossiers de presse. (…)

Le regard de Brissot ira droit dans vos yeux, il sait l’art des commotions irrésistibles.

Roland Topor, Contrefaçons - 1988

Eliot Ness et les Impayables réussirent enfin à localiser l’officine où opérait Jacques Brissot.
Ils installèrent une souricière pour identifier modèles et complices d’une oeuvre qu’il devenait urgent de démanteler…Ils notaient toutes les allées et venues, malgré un froid terrible résultant d’une masse d’air polaire venue de Sibérie, via la Documenta de Kassel et la Biennale de Venise.

Serge Ganzl, Bruegels - 1980

Il peut, dans une dernière érection, donner à cette composition, bien calée sur un chevalet, le nom de Triomphe de la mort, et aller à petits pas vider sa cervelle dans les chiottes, mirer son oeil et se demander : « Qu’est-ce que je mangerai demain ? Margot la folle, les Mendiants, la Chute d’Icare ? Oh oui ! La Chute d’Icare, il ne reste que deux jambes… »

Marc Guillaume, Les peintres cinéastes - 1982

Les spectres du passé de la grande peinture hantent Brissot comme nous tous…Il sait faire l’éloge funèbre de ce monde, à jamais disparu, en réunissant l’inquiétante hybridation de notre condition moderne et de notre patrimoine culturel.
Brissot réussit par un retournement aussi discret que radical ce que Poussin se vantait de faire quand il disait qu’il était « venu au monde pour détruire la peinture ». Car Brissot ne fait pas entrer une réalité dans son tableau mais des images, les images qui foisonnent autour de nous, nous cernant de toute part, celles du cinéma, de la télévision, de la publicité, images de ce qu’est devenue une partie de notre réalité quotidienne, faite de spectres, la téléréalité. Loin des surréalistes et des hyperréalistes, Brissot est le premier peintre téléréaliste.

Jean-Jacques Soleil, catalogue de la galerie Kerchache - 1973

Corrélation : Brissot, iconoclaste tranquille, sait quand il le désire réduire les stéréotypes imagés du « fantastique » ou de l’ « érotique » à l’image de pure mystification qu’ils reflètent.

Christian Caujolle, Libération - 1980

Histoire de situer la démesure de l’entreprise Brissot, il faut voir le tableau, avec ses deux volets qui se ferment, le jeu de l’intérieur, les allusions au flipper, à Bécassine, à la politique, au porno, à la guerre, à des dégueulis de consommation, pour se rendre compte à quel point le cheminement de la folie est monumental

Jean-Marie Tasset, Le Figaro - 1980

Un vrai délire sans défaillance, tour à tour hilarant, critique, satirique, contestataire, farceur. Nos hommes politiques se retrouvent sans complexe dans la Nef des fous. Vogue la galère… Le pirate de l’art a réussi à nous dérouter en même temps que le chef d’oeuvre, Brissot cligne de l’oeil et tire la langue. C’est pas du jeu.

Jean-Jacques Levêque, Le quotidien du médecin - 1980

Brissot n’y va pas de main morte quand il pastiche Bruegel ou Ingres : il y va plutôt aux ciseaux, tailladant dans les pages des magazines pour trouver des équivalences ou plutôt des personnages de son temps qu’il met en scène, en épousant le plus fidèlement possible telle ou telle proposition d’un maître du passé. Ne serait-on pas, alors, tenté de dire qu’il fait un lifting de la peinture par bain d’humour ?

Coco Butor, Politique Hebdo - 1981

Il assemble des milliards de signes de nos modernes mythologies, sous maintes couches de vernis et sous couvert des oeuvres du passé : c’est le Lévi-Strauss de la peinture.

Michel Lequenne, Politis - 1980

Preuves de passion en même temps que d’humour noir, mais dont le sourire devient totalement grinçant dans le kiosque, une vidéo dont les titres familiers se mettent à grimacer leur sous-jacent sinistre. Quand le temps mettra les valeurs à leur place, Jacques Brissot sera au premier plan de l’image de notre époque.

Josette Mélèze, Pariscope – 1984

C’est là l’extrême artifice et la suprême impertinence de Jacques Brissot : donner l’illusion d’une oeuvre ancienne avec des images strictement contemporaines…Passé, présent, admiration, dénigration, illusion, démythification, respect et impudeur se mêlent intimement, cocassement, dans les tableaux-collages de Jacques Brissot. Chacun est une mise en scène méticuleuse, un montage incisif, qui rappelle que son auteur est aussi un cinéaste

Zoltan Semen, Echos Graphisme – 1990

Après ses mètres cubes de magazines, Jacques Brissot, le pirate de l’art, entasse maintenant dans son atelier des jouets récupérés dans les vide-greniers. Il en fait aussi des collages en haut et bas-relief et continue à fabriquer du Moyen-Age : accumulations de poupées Barbie sombrant dans la géhenne, avions et fusées s’enlaçant en un élan gothique. Flamboyant.

Jean-Louis Martinoty, L’Humanité – 2005

Je lui ai plusieurs fois emprunté ses visions acides pour des mises en scène d’opéra, le mythe de Faust (Boito ou Gounod), les maléfices de l’Armide du Tasse (Haendel), pour lesquels il a même créé de stupéfiants costumes, de cuirasses/aspirateurs en casques/postes à galène… Enhardi par ce passage avec succès aux trois dimensions, il s’est lancé dans la sculpture d’immenses retables gothiques à vantaux dont les flamboyantes arcatures sont ailes de chasseurs bombardiers, et la foule des personnages de la Passion un grouillement partouzard de monstres en plastique et poupées Barbie. Il vient d’entreprendre une cinquième version du Jardin des délices, en relief et en retable, en commençant naturellement par le purgatoire. Il garde le meilleur, l’enfer, pour la fin.

Gyorgy Ligeti - Hambourg 21 mai 1998

Cher M. Martinoty,
Merci ! J’ai été très impressionné par les images de M. Brissot.
C’est extraordinaire, et malgré que c’est en principe DÉGOUTANT, il correspond magnifiquement à mon goût. La postface écrite par Topor est aussi magnifique. Quelle catastrophe que Roland est mort.
Je serai naturellement EN PRINCIPE ravi si vous faites GR.MAC (Grand Macabre) avec M. Brissot – en réalité cela dépend des possibilités.
J’ai été stupéfié aussi par l’habileté de M. Brissot d’utiliser les procédés d’ordinateur pour les montages-distorsions. J’aimerais bien de vous rencontrer, aussi M. Brissot à une occasion.

Gyorgy Ligeti

François Aubral

Il y a des moments où les interventions du malin génie de chacun entrainent des effets difficilement calculables.

Ainsi le diable intérieur de Jacques Brissot l’a fait tomber sur un ordinateur déjà agé, ils le sont tous si vite, qu’il a récupéré et pour ainsi dire fait le sien, comme s’il s’agissait d’une vulgaire pile de vieux journaux trouvés sur le trottoir. Cette aventure anodine en apparence semble avoir eu pour lui une importance considérable.

Il a, en effet, pris la décision de renoncer partiellement à ses papiers, journaux, colle, ciseaux, peintures et vernis pour générer sur l’ordinateur ses oeuvres grâce à l’utilisation d’un scanner, d’un appareil photographique numérique et du logiciel de traitement d’images le plus en vogue aujourd’hui dans le vaste monde.

Cette transformation des conditions de la création de Brissot ainsi que la nature des ses oeuvres pose de nombreux nouveaux problèmes. Comment trtansposer sur une machine des procédures plastiques élaborées par une expérience de plusieurs dizaines d’années. Et d’abord pourquoi cette mutation ? Un caprice, une folie ?

Jacques Brissot, réponse :

Collage, montage ? Le "Siècle à mains" est passé et ceux la qui revendiquent mes
anciens collages comme "mieux" que mes montages numériques actuels se trompent. Ils n’aiment que le coté broderie de mon travail ancien. Ils ont là une âme de brocanteurs.

Photoshop est une invention magnifique, copier-coller en est la base et scanner des images pour les installer dans des mises en scènes inattendues est devenu si facile qu’il faut se méfier de cette nouvelle liberté.

C’est vrai que le collage participait beaucoup de la rencontre hasardeuse avec des bribes du flux photographique de notre époque. Il faut s’inventer une nouvelle aventure avec les banques d’images.

Je dois dire que mon truc qui consiste à s’adosser au colossal passé de la peinture me procure une rigueur volée. Tant pis, je suis bien là dedans en compagnie de la grandeur des anciens et du bavardage des vivants